Cher(e)s ami(e)s
Encore une fois le directeur de la Presse se pose en tuteur des lecteurs du journal pour décider ce qu’ils doivent et ce qu’ils ne doivent pas lire. Encore une fois, le directeur de la Presse fait usage de son « pouvoir régalien », comme il l’a dit, pour censurer un article sur Durban II, la Conférence sur le racisme qui a commencé ses travaux lundi à Genève. L’article censuré, intitulé « Israël est un Etat raciste » , analyse la politique suivie par ce pays et met à nu les positions par trop déséquilibrées d’un Occident qui, dès qu’il s’agit du Proche-Orient, se met promptement du côté des agresseurs, en brandissant son instrument rouillé des deux poids et deux mesures.
Je n’ai aucune idée sur les motivations qui ont amené le directeur à censurer l’article, puisqu’il n’a même pas daigné m’appeler pour me dire ce qu’il reproche à l’analyse. J’ai découvert la censure ce matin en ouvrant le journal. Cela donne une idée sur le respect que témoigne le directeur de la Presse à ses collaborateurs et confirme l’idée qu’il croit sérieusement à son « pouvoir régalien ».
Vous trouverez l’article en question en pièce jointe. L’article se trouve également sur mon blog www.lastas.blogspot.com
Je compte sur vous pour l’effet boule de neige.
Bonne lecture.
Hmida Ben Romdhane
Par Hmida Ben Romdhane
On se rappelle de Durban I, la première conférence sur le racisme et la discrimination, qui s’est tenue en Afrique du sud, juste quelques jours avant les attentats du 11 septembre 2001. Les Etats-Unis et Israël avaient alors claqué la porte avant la fin des travaux sous le prétexte que les participants étaient « anti-israéliens », établissaient une « équivalence entre le sionisme et le racisme » et voulaient obliger les Américains à « s’excuser » de leur passé esclavagiste.
Ces deux pays ont récidivé en décidant de boycotter Durban II qui s’est ouverte hier à Genève. Ils ne sont pas les seuls. Le Canada, l’Australie, l’Italie et les Pays-Bas ont décidé eux aussi de ne pas assister. Une décision d’autant plus surprenante que le texte de la déclaration finale a été remanié dans le sens des exigences occidentales, c'est-à-dire en biffant toute référence à Israël et au conflit israélo-arabe. Le communiqué final de Durban II ne parle plus désormais que de « la détresse des Palestiniens » à laquelle, pour « faire l’équilibre », on a collé « le droit d’Israël à la sécurité ».
D’autres pays de l’UE ont décidé de participer, mais ont menacé de se retirer si le président iranien critique Israël. Il faut rappeler ici que ces mêmes pays se sont fermement opposés à toute interdiction de critiquer l’islam sous prétexte que cela « limiterait la liberté d’expression ». Mais voilà qu’ils nous fournissent la preuve qu’Israël est plus sacré que le sacré.
Israël et ses amis ne se sont pas contentés de boycotter la conférence de suivi de Durban I qui se déroule actuellement à Genève, ils ont mobilisé leurs démagogues et propagandistes de service dans une tentative de discréditer le forum et tout ce qui en découle. Le déchaînement contre Durban II a atteint des proportions hallucinantes. Certains sont allés jusqu’à suggérer l’idée que le choix de la date du 20 avril, qui se trouve être la date de naissance d’Adolphe Hitler, a été fait sciemment pour fêter en même temps l’anniversaire du dictateur nazi…
Un certain Alan Caruba, par exemple, a écrit sur un site canadien (www.canadafreepress.com) que « quand la conférence se réunit le 20 avril, jour de la naissance de Hitler en 1889, son esprit dominera les travaux de Durban II. La bonne nouvelle est que les diplomates américains n’assisteront pas. Espérons que d’autres pays qui ont souffert de la haine génocidaire de Hitler n’assisteront pas non plus. » Après cette exploitation malhonnête d’un simple hasard de calendrier, le propagandiste du sionisme verse dans le délire : « Durban II », dit-il, « est un autre exemple de Jihad Islamique et de ses siècles de guerre contre les autres religions. Ceux qui nieront son existence continueront à souffrir de ses conséquences. »
En Israël, Yitzhak Herzog, ministre des affaires sociales, et chargé en même temps de « la lutte contre l’antisémitisme dans le monde », qualifie Durban II de « spectacle cynique manipulé par l’axe Iran-Libye-Pakistan ». Pourtant ce ministre ne peut ignorer que Durban II ne vise rien d’autre que de faire le suivi de Durban I, c'est-à-dire de voir le degré d’application des recommandations de la conférence de 2001 sur le racisme, recommandations qui ont été adoptées par 189 pays, autant dire par la planète entière à deux exceptions près, Israël et les Etats-Unis.
Il y a tout lieu de craindre qu’en Israël beaucoup de politiciens, visiblement déstabilisés par Durban I et II, aient totalement perdu la maîtrise d’eux-mêmes. Leur arrogance a atteint des sommets tels qu’ils se croient en droit de dicter au président du pays hôte de la conférence qui rencontrer et qui ne pas rencontrer.
Le président de la confédération suisse a prévu une rencontre avec le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad. Avant même que cette rencontre n’ait lieu, des tirs à boulets rouges en provenance d’Israël ont visé le président suisse coupable d’avoir rencontré chez lui un homologue étranger, Ahmadinejad, qui n’est pas en odeur de sainteté en Israël. Le vice ministre israélien des affaires étrangères a dénoncé « une rencontre malheureuse, une décision bizarre qui ne peut que porter atteinte à la Suisse ».
La chose est entendue. Israël a le droit de critiquer le président suisse pour une simple rencontre avec un homologue étranger. Mais le monde n’a nullement le droit de critiquer Israël pour ses crimes abominables qu’il n’a cessé de commettre depuis 60 ans contre les Arabes. Voilà où on en est aujourd’hui dans ce monde bizarre.
Le tort des organisateurs de Durban II est qu’ils ont reculé et se sont pliés aux exigences des défenseurs d’Israël en purgeant leur texte de la plus terrifiante des vérités : Israël est un Etat raciste qui a commis un nombre incalculable de crimes de guerre contre les Palestiniens et les Libanais.
Israël est un Etat raciste parce qu’il ne cesse d’exiger jusqu’à ce jour des Palestiniens sa reconnaissance en tant qu’ « Etat juif ». Israël est un Etat raciste parce qu’il pratique la discrimination par la loi à l’intérieur de ses frontières contre les Palestiniens de 1948, et la discrimination par la violence contre les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza (1).
On ne peut ici que nous ranger du côté des congressistes noirs américains et partager leur frustration quant à la décision du président Obama de boycotter Durban II. L’un d’eux n’a pas caché son amertume face au fait que « le premier président noir américain boycotte une conférence sur le racisme ».
Quiconque veut œuvrer à l’instauration de la paix et de la justice dans le monde, quiconque veut la stabilité du Moyen-Orient et la sauvegarde des intérêts de tous les pays, doit appeler un chat un chat. C'est-à-dire désigner Israël comme un Etat raciste et non démocratique, comme il prétend être, afin de l’aider à se débarrasser de ses fanatiques et à suivre la voie de la raison qui est celle de ses intérêts à long terme. Sinon, comme le suggère un rapport de la CIA, il risque fort de ne pas fêter son centième anniversaire. Au Moyen-âge, il y avait un Etat chrétien établi à Saint Jean d’Acre (Akka en arabe et Akko en hébreu) qui n’a duré que 99 ans, c'est-à-dire de 1191 à 1290, et n’avait donc pas fêté son centième anniversaire…
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(1) Lire le livre de l’ancien président américain, Jimmy Carter, « Palestine, Peace not apartheid » (Simon & Shuster, 2006).
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