« La Constitution est au-dessus de tout, elle est la loi fondamentale qui garantit les droits et libertés individuels et collectifs, protège la règle du libre choix du peuple et confère la légitimité à l’exercice des pouvoirs. »
Préambule de la constitution algérienne.
A Biskra, des personnes ont été récemment attaquées en justice pour ne pas avoir respecté le Ramadan. A Tiaret, en mars 2008, une femme a été condamnée parce qu’on a trouvé dans son sac des évangiles. A Alger, un journaliste a vu son dernier ouvrage interdit de publication. Autre fait : le directeur de la bibliothèque nationale vient d’être limogé pour avoir laissé s’exprimer un poète mondialement connu pour ses idées différentes. Selon le classement mondial de la liberté de la presse 2008 établi par Rapporteurs Sans Frontières, l’Algérie se trouve à la 121ème place, derrière le Mali (31ème) et derrière le Koweit (61ème).
La culture de la différence est de plus en plus anéantie et réduite à une sphère limitée de la société. Pourquoi, dans nos villes, dans nos villages, « avançons-nous en arrière » si souvent ? Sommes-nous réellement libres de dire ce que nous pensons ? Sommes-nous libres d’exercer notre liberté sans risquer d’être lynchés ? Sommes-nous condamnés à vivre dans l’obscurantisme et le fanatisme ?
Amine Zaoui vient d’être limogé pour des raisons stupides qui n’ont plus droit de citer au 21ème siècle. Et pourtant, la Bibliothèque Nationale n’a jamais connu une activité intellectuelle aussi intense, riche et diversifiée que pendant sa présence. Il est de ces hommes qui connaissent la valeur de la pensée et surtout qui respectent la pensée de l’autre même et surtout si elle est différente. Ce dernier point est l’essence même de la tolérance et du dialogue. Monsieur Zaoui n’est-il pas lui-même un écrivain et un universitaire ?! C’est un homme lucide et connaisseur dans son domaine. Est-ce qu’une personnalité comme celle d’Adonis (dont la réputation dépasse les frontières nationales et arabes) peut perturber l’ordre public ? Ce que dit Adonis est-il plus grave que celui qui le traite d’apostat ! Dans quel monde sommes-nous ? Dans quel monde êtes-vous ?
Quant au livre de Mohamed Benchicou, il est inadmissible d’interdire un livre d’opinion pour quelque raison que ce soit. En effet, son livre ne fait ni l’apologie de la mort, ni la diffusion de la haine. Laissez le peuple juger par lui-même si l’auteur du livre exagère ou ment. Si tel était le cas, vous pourriez alors intenter une action en justice. Sauf si vous ne faites pas confiance à la justice de notre pays… Si nos grands-parents et nos parents ont fait la guerre pour nous libérer du colonialisme, ce n’est surement pas pour tomber aujourd’hui dans l’infantilisation. Notre peuple a mainte fois démontré qu’il n’était pas un peuple assisté. Pourquoi voulez-vous qu’il le soit aujourd’hui ? On a le droit et la capacité de penser par nous-mêmes ! Monsieur Benchicou a-t-il demandé à quiconque de le protéger ? Et si oui, de le protéger de qui exactement ? La réaction de la responsable suppose qu’il y a un cercle mafieux qui élimine toute pensée critique !
Dans le même ordre d’idée, pourquoi interdire aux lecteurs algériens de lire Salim Bachi ou Boualem Sensal. Représentent-ils aussi un danger pour le peuple ! Alors que ces auteurs font la une de l’actualité algérienne à l’Etranger. C’est grâce à eux que l’Algérie est citée un peu partout dans le monde. Ne font-ils pas partie des écrivains les plus traduits dans le monde ? Soyons fiers de cette Algérie plurielle au lieu de la faire taire !
La pauvreté, le népotisme, la hoggra et la corruption ont réduit le peuple au silence. Un jour, un « taxieur » m’a dit que le peuple n’est plus prêt à se sacrifier comme avant et qu’il cherche tout simplement à vivre en paix. Notre peuple n’est pas invité à dire ce qu’il pense. Encore faudrait-il qu’on lui en laisse le temps. Il est de notre devoir alors de défendre ces libertés fondamentales car, si nous perdons l’essentiel de notre existence, en l’occurrence notre liberté, nos identités et nos mémoires seront oubliées dans les manuels d’histoire.
Yazid Haddar.
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